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Qui
est débiteur de qui ?
La véritable dette extérieure
Exposé du Chef Guaicaipuro Cuatemoc devant la réunion des Chefs
d'Etat de la Communauté Européenne.
Valence, Avril 2002
(texte lu et traduit de l'espagnol par Marie Rol Garcia lors du
dernier CA Attac Pau)
Richard PELTIER
CEL Attac 64 Pau pau@attac.org
Avec un langage simple, retransmis en traduction simultanée à plus
d'une centaine de Chefs d'Etats et de dignitaires de la Communauté
Européenne, le Chef Guaicapuro Cuatemoc réussit à inquiéter son
auditoire lorsqu'il dit :
" Ainsi moi, Guaicaipuro Cuatemoc, je suis venu rencontrer ceux
qui célèbrent la rencontre.
Ainsi moi, descendant de ceux qui peuplaient l'Amérique il y a quarante
mille ans, je suis venu rencontrer ceux qui l'on rencontrée il y
a seulement cinq cents ans. Ainsi, donc, nous nous rencontrons tous.
Nous savons qui nous sommes, et cela suffit.
Le frère douanier européen me demande un papier écrit avec un visa
pour que je puisse découvrir ceux qui m'ont découvert.
Le frère usurier européen me demande de payer une dette contractée
par Judas à qui je n'avais jamais permis de me vendre quoi que ce
soit.
Le frère avocaillon européen m'explique que toute dette se paie
avec intérêt, même si c'est en vendant des êtres humains et des
pays entiers sans leur demander leur consentement.
Et je les découvre peu à peu.
Moi aussi, je peux réclamer des paiements, moi aussi je peux réclamer
des intérêts.
Les Archives des Indes, attestent, papier après papier, reçu après
reçu et signature après signature, que seulement entre 1503 et 1660,
sont arrivés à Sanlucar de Barrameda 185 tonnes d'or et 16 mille
tonnes d'argent en provenance d'Amérique.
Pillage ? Je ne le croirais pas !
Ce serait penser que les frères chrétiens ont manqué à leur Septième
Commandement.
Spoliation ? Que Tanatzin me garde d'imaginer que les Européens,
comme Cain, tuent et nient le sang de leur frère !
Génocide ? Ce serait accorder crédit aux calomniateurs tels Bartolomé
de las Casas, qui qualifient la rencontre de "destruction des
Indes" ou d'autres comme Arturo Uslar Pietre qui affirment
que le démarrage du capitalisme et la civilisation européenne actuelle
se sont produits grâce à cette avalanche de métaux précieux ! Non
!
Ces 185 tonnes d'or et ces 16 mille tonnes d'argent doivent être
considérés comme le premier de beaucoup d'autres prêts amicaux de
l'Amérique, affectés au développement de l'Europe.
Le contraire serait présumer de l'existence de crimes de guerre,
ce qui ouvrirait droit non seulement à exiger leur remboursement
immédiat, mais également à des dommages et intérêts.
Moi, Guaicaipuro Cuatemoc, je préfère retenir la moins belliqueuse
de ces hypothèses.
Cette fabuleuse exportation de capitaux ne fut que le début d'un
plan "MARSHALLTEZUMA", destiné à assurer la reconstruction de la
barbare Europe, ruinée par ses guerres déplorables contre des musulmans
cultivés, inventeurs de l'algèbre, du bain quotidien et de bien
d'autres progrès importants de la civilisation.
Donc, en célébrant le Cinquième Centenaire du Prêt, nous pourrions
nous demander : les frères européens ont-ils fait un usage rationnel,
responsable ou du moins productif des fonds si généreusement avancés
par le Fonds International Indo-américain ?
Nous regrettons de devoir dire non.
En matière de stratégie, ils l'ont dilapidé lors des batailles de
Lepanto, dans les invincibles armadas, dans des troisièmes reichs
et dans bien d'autres formes d'extermination mutuelle, sans autre
fin que de se retrouver occupés par les troupes gringas de l'OTAN,
comme à Panama, le canal en moins.
En matière financière, après un moratoire de 500 ans, ils ont été
incapables, non seulement de liquider le capital et ses intérêts
mais également de se rendre indépendants vis-à-vis des revenus en
liquide, des matières premières et de l'énergie bon marché que leur
exporte et leur fournit tout le Tiers Monde.
Ce tableau déplorable confirme l'affirmation de Milton Friedman
qui dit qu'une économie subventionnée ne peut jamais fonctionner,
ce qui nous oblige, dans votre intérêt, à vous réclamer le paiement
du capital et des intérêts dont nous avons si généreusement différé
le paiement ces derniers siècles.
Ceci étant, nous devons préciser que nous ne nous abaisserons pas
à faire payer à nos frères européens les taux d'intérêt vils et
sanguinaires de 20 et même de 30 % qu'à l'occasion certains frères
européens font payer aux peuples du Tiers Monde.
Nous nous limiterons à exiger le remboursement des métaux précieux
avancés, plus un intérêt modique fixe de 10 % l'an, cumulé seulement
sur les 300 dernières années, soit 200 ans d'exonération.
Sur cette base, et si nous appliquons la formule européenne des
intérêts composés, nous informons nos découvreurs qu'ils nous doivent,
en premier paiement de leur dette, un poids de 484 147 milles tonnes
d'or et 42 milliards de tonnes d'argent.
A savoir, des volumes équivalant aujourd'hui à 212 345 millions
de fois la production d'or annuelle mondiale et 3 164 milliards
de fois celle d'argent.
Ce total équivaut également à 70 % de toute l'écorce terrestre,
soit 0,7 % de l'ensemble de la planète.
Elles pèsent lourd ces masses d'or et d'argent.
Et combien pèseraient-elles si on les comptait en sang ?
Ajouter que l'Europe, en un demi millénaire, n'a pas pu générer
suffisamment de richesses pour régler ce modique intérêt, serait
admettre son échec financier absolu et/ou l'irrationalité démentielle
des principes du capitalisme.
Bien entendu, les Indiens d'Amérique ne se posent pas de telles
questions métaphysiques.
Par contre nous exigeons la signature d'une Lettre d'Intention engageant
les peuples débiteurs du Vieux Continent, les obligeant à respecter
leur engagement par une rapide privatisation ou reconversion de
l'Europe, leur permettant de nous la remettre tout entière, à titre
de premier versement de la dette historique."
Quand le Chef Guaicaipuro Cuatemoc a donné sa conférence devant
la réunion des Chefs D'Etat de la Communauté Européenne, il ne savait
pas qu'il était en train d'exposer une thèse de Droit International
destinée à déterminer la VERITABLE DETTE EXTERIEURE.
Il ne reste plus qu'à trouver un gouvernement latino-américain
suffisamment courageux pour porter l'affaire devant les Tribunaux
Internationaux.
Valence, Avril 2002
(texte lu et traduit de l'espagnol par Marie Rol Garcia lors du
dernier CA Attac Pau)
Richard PELTIER
CEL Attac 64 Pau pau@attac.org
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